Every other week, Joël Thibeault writes a column for French learners, as a way of encouraging them to practice their French.
V ous marchez sur Sherbrooke en direction de votre cours situé dans le pavillon des arts. Vous croisez deux hommes qui échangent quelques mots:
-Esti qu’t’es cave!
-Mon tabarnak, pour qui tu t’prends?
-Tu m’as compris! T’es un câlice d’épais.
Vous êtes persuadé qu’ils s’expriment en français, mais vous ne réussissez pas à comprendre ce qu’ils disent. Tout à coup, vous vous souvenez de ce qu’on vous a répété plusieurs fois avant de venir vous installer au Québec: «They don’t really speak French there. You should go to Europe if you want to learn real French».
Le but premier de cet article n’est certainement pas de prendre part dans ce débat. J’ai plutôt employé cet exemple en tant qu’introduction aux jurons québécois qui font partie, qu’on le veuille ou non, de l’histoire et du patrimoine de notre province.
La plupart des jurons utilisés au Québec sont tirés de termes religieux. Avant les années 1960, l’Église catholique était l’un des éléments qui influençaient le plus la politique québécoise ainsi que la vie des citoyens. Au début de cette décennie, cependant, des changements sociaux et politiques ont entrainé une diminution de l’influence ecclésiastique. Plusieurs linguistes croient que l’usage de ces expressions religieuses en tant que jurons a été un exutoire face au contrôle exercé par l’Église.
Il est quand même très important de mentionner qu’encore aujourd’hui, ces jurons sont considérés comme étant très grossiers. C’est la raison pour laquelle chacun d’entre eux est accompagné d’un euphémisme, un mot similaire qui a une connotation moins vulgaire que l’original.
Assez de théorie! Je vous présente quelques-uns des jurons québécois les plus employés, accompagnés de leur réelle signification religieuse, de leurs euphémismes et d’un exemple contextuel.
Câlice. Ce mot provient de «calice», vase sacré de la liturgie catholique. Il est surtout utilisé afin de souligner la colère à la fin d’une phrase, exactement comme le fait le mot de quatre lettres en anglais. On note aussi quelques expressions figées: «Je m’en câlice», afin de dire qu’on s’en fout, et «Câlice-moé patience» pour exiger de quelqu’un qu’il ou elle nous laisse en paix. Son euphémisme le plus répandu est «caline».
Tabarnak. Il dérive de « tabernacle» et peut également être employé sous l’influence de la colère à la fin d’une phrase. Les Québécois, en outre, utiliseront ce terme en tant que synonyme de «coup de poing»: «Je vais t’en donner un tabarnak». Parmi ses variantes adoucies, on compte «tabarouette» et «tabarnouche».
Esti, ostie ou sti. Ces mots, dont la connotation et la signification sont égales, témoignent aussi de la fureur du locuteur. Ils proviennent de «hostie» qui représente le pain béni. De plus, on remarque l’existence de la locution «Ostie que…» qui renforce une affirmation. Quelques exemples sont «Ostie qu’il fait chaud», «Ostie que je veux y aller» et «Ostie qu’elle est belle». Les euphémismes que les Québécois emploient le plus sont « ostine » et «esprit».
Finalement, la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un dire «Esti de câlice de tabarnak», dites-vous que ces termes, dans un contexte différent, peuvent avoir une réelle signification. Par contre, si vous ne vous trouvez pas dans une église ou qu’il n’y pas de prêtre dans les parages, continuez votre route sans vous arrêter; cette personne ne désire très probablement pas être dérangée.
*Pour écouter Joël lire cet article, allez sur mcgilldaily.com/blogs. Vous pouvez également lui écrire à thefrenchconnection@mcgilldaily.com.
Vous aimez lire en français ? Pourquoi pas lire Le Délit ? Cherchez-le sur le campus demain. *